Retour sur la 3e Université d’été de TZCLD
Dominique Méda : en faisant la reconversion écologique, “on peut renouer avec le plein emploi”
Invitée de l’Université d’été 2020 de Territoires zéro chômeur de longue durée, qui a réuni près de 400 personnes en ligne, Dominique Méda est partie de l’histoire du travail pour présenter plusieurs scénarios visant à réinventer le travail. La sociologue et philosophe spécialiste du travail prône celui d’une reconversion écologique et montre comment le projet TZCLD s’inscrit dans cette perspective.
“La France a une position spécifique dans l’importance accordée au travail”, explique Dominique Méda, qui pointe une corrélation entre le taux de chômage et cette place du travail alors que dans bon nombre de pays c’est plus généralement une corrélation entre la faiblesse du PIB et l’importance du travail qui est observée. Invitée de la 3e édition de l’Université d’été de TZCLD, qui a réunit près de 400 personnes en ligne jeudi 3 septembre 2020, la sociologue et philosophe spécialiste du travail a démarré son propos en revenant sur l’histoire du travail pour détailler les éléments constitutifs de ce concept. Elle a montré comment les évolutions observées depuis la fin des années 80 ont abouti à une crise du travail marquée par une médiocre qualité des conditions de travail et une perte de sens pour les personnes. Elle pointe alors “un double problème” avec un chômage qui freine l’amélioration de la qualité de l’emploi. “Le modèle social français n’est pas coupable”, prévient-elle, et met en cause “une série de dysfonctionnements et d’erreurs politiques” ayant abouti à la crise de 2008.
Réinventer le travail : engager la reconversion écologique
Face à la nécessité de “réinventer le travail” qui se pose, Dominique Méda présente trois scénarios tout en s’interrogeant sur celui “le plus susceptible de satisfaire les attentes placées sur le travail et de réduire le chômage”. Le premier est celui du “démantèlement du droit du travail et de la flexibilité” qui aboutit, selon elle, à une importante dégradation des conditions de travail. Le deuxième est celui de la “révolution technologique” qui prévoit la fin du travail et des organisations hiérarchiques : un scénario controversé par des études montrant notamment que l’innovation était créatrice d’emplois. Enfin, le troisième scénario, que la sociologue appelle de ses vœux, est celui de la “reconversion écologique”, qui prend en compte la contrainte écologique et la nécessité de prendre soin des ressources naturelles et humaines. Avec cette reconversion écologique “on peut renouer avec le plein emploi” affirme Dominique Méda : “les études montrent que cette reconversion peut créer des emplois, dans l’agriculture comme dans l’industrie et l’artisanat, mais il faudra faire attention aux transferts d’emplois, faire une transition juste, en anticipant les reconversions et en cartographiant les compétences”. “Les emplois de la reconversion seront plus utiles, nécessiteront plus de travail humain et peut-être seront plus axés sur les besoins essentiels”, ajoute-elle.
La crise actuelle rend la relance verte encore plus nécessaire
“La crise sanitaire que nous traversons entraîne une énorme crise économique et sociale et nous n’avons pas encore tout vu”, déplore Dominique Méda, qui insiste sur la nécessité encore plus forte d’engager une relance verte afin d’avoir “un triple dividende : stopper les émissions gaz effet de serre, créer des emplois et améliorer la qualité des emplois”. Aux côtés de 7 autres chercheuses en sciences sociales, Dominique Méda a ainsi publié, en mai dernier, un manifeste* appelant à démocratiser et démarchandiser l’entreprise pour dépolluer la planète. Ceci passe par “la mise en place d’une garantie d’emploi édictée par l’État mais mise en oeuvre par les collectivités locales”, indique la sociologue.
TZCLD : “c’est comme cela que l’on doit travailler et raisonner”
“Territoires zéro chômeur de longue durée est une garantie d’emploi”, note Dominique Méda. Elle rejette les “polémiques sur le coût [de l’expérimentation qui] oublient l’importance de la dignité du travail dans nos sociétés” et trouve au contraire “passionnant que les principales activités soient autour de l’environnement, du recyclage et de la répartition” et “magnifique le lien social renoué” sur les territoires. “On pourrait faire des entreprises à but d’emploi [EBE] un laboratoire du travail futur”, propose-t-elle : “ce que cherchent les EBE c’est la satisfaction des besoins sociaux or si l’on enserrait le PIB dans deux grands indicateurs que sont l’empreinte carbone et l’indice de progrès social, alors le but ultime de notre société serait la satisfaction des besoins sociaux”. “Ces emplois sont construits à partir de la cartographie des besoins non satisfaits et des compétences et c’est comme cela que l’on doit travailler et raisonner !”, conclut la grande témoin de l’Université.
* Manifeste signé par 3000 chercheurs et chercheuses issus de plus de 600 établissements universitaires publié dans Le Monde du 18 mai 2020 et dans 27 médias de 23 continents.
(Re)voir l’Université d’été 2020 de TZCLD
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