« Notre voix compte et c’est très important »
Actypôles, l’entreprise à but d’emploi (EBE) installée à Thiers (Puy de Dôme), a opté pour un statut de Société coopérative d’intérêt collectif (Scic). Les salariés ont pris des parts dans l’entreprise, ont voix au chapitre et apprécient cette implication.
« Avant l’ouverture de l’EBE, on passait notre temps à dire aux personnes privées d’emploi ‘c’est votre projet’. Si, une fois l’entreprise créée, elle ne leur appartient plus, ça n’a aucun sens », explique Laure Descoubes, directrice d’Actypôles, justifiant le choix de l’entreprise à but d’emploi thiernoise de se constituer en Scic. Ouverte le 1er mai dernier, elle compte aujourd’hui 30 salariés. « Le choix de la Scic a fait l’unanimité », note Dominique Rufenacht, co-directrice. Tous les salariés embauchés à l’ouverture de l’EBE ont pris une part sociale, pour Jean-Paul Ytournel, « cela semblait naturel ». Seuls deux salariés, arrivés plus récemment, ne sont pas associés, Dounia Aouacheria en fait partie : « je veux mieux connaître l’entreprise et son fonctionnement avant de prendre ma décision ». « Au départ, certains avaient du mal à comprendre ce qu’est une Scic, un gros travail de pédagogie a été effectué et on fait régulièrement des piqûres de rappel ». Aux côtés des salariés, la Scic compte quatre catégories d’associés : les collectivités, les initiateurs du projet (à titre personnel), les soutiens et les clients et fournisseurs. Parmi eux, deux structures de l’insertion par l’activité économique et des salariés de Pôle emploi, preuve que le projet associe tous les acteurs du territoire.
Travaux pratiques sur le fonctionnement d’une entreprise
Au sein de la Scic, les décisions sont mises en débat lors des réunions d’équipe hebdomadaires et prises en comité de coordination, composé des deux co-directrices de l’EBE, des président et vice-président, de quatre salariés et d’un membre du Fonds d’expérimentation. « On est au courant de tout, même des questions financières. Cela fait bizarre au départ mais on se sent plus impliqués », remarque Fadila Bensaili, salariée. Tous louent la transparence et la responsabilisation que le statut de Scic implique. « On pose notre empreinte, qu’on soit d’accord ou pas, notre voix compte, c’est très important et extrêmement gratifiant », souligne Karim Aouachria. « Il y a aussi un but pédagogique à cela, explique Laure Descoubes. Impliquer ainsi les salariés permet de leur faire comprendre comment fonctionne une entreprise et de changer leur vision. Cela demande du temps et une certaine gymnastique parce qu’ils ont été habitués à avoir un patron qui décide. »
« Les salariés ont souvent peur de confronter leurs idées »
« Quand on est représentant des salariés au comité de coordination, il faut savoir être à l’écoute des gens », remarque Jean-Paul Ytournel qui en fait partie. « Les salariés ont souvent peur de confronter leurs idées, peur que cela ne fasse pas émerger la solution », explique Laures Descoubes. Une des premières décisions prises en comité de coordination concernait l’accès des salariés au garage solidaire ouvert par l’EBE : « les salariés ne sont plus aux minima sociaux ni sous le seuil de pauvreté, les deux critères d’accès pour nos clients, il a donc été décidé de mettre en place un tarif spécial pour eux », précise Boris Surjon, président de l’EBE. « On arrive toujours à trouver un compromis en discutant et il nous suffit de regarder d’où l’on vient pour saisir qu’il ne faut pas gâcher l’opportunité qui nous est donnée », conclut Karim Aouachria.
L’ardue question de l’encadrement
Avec 30 salariés, le recrutement d’un encadrant technique est en débat au sein d’Actypôles. « Les salariés viennent des mêmes quartiers, ils se connaissent et refusent de donner ou d’écouter des consignes des uns et des autres », explique Laure Descoubes, directrice. « Le management est compliqué dans l’EBE, il faut savoir faire valoir son expérience, sans exagérer », confirme Jean-Paul Ytournel, salarié. « On se rend compte que la direction ne peut pas tout faire, mais j’ai peur que la personne ne comprenne pas l’esprit particulier de l’EBE », confie Karim Aouachria, salarié. « Cette entreprise, c’est notre bébé », ajoute-t-il. Cette question délicate sera discutée avec l’équipe et prise en comité de coordination.