Marine Jeantet tire le bilan et dresse les perspectives du plan de prévention et de lutte contre la pauvreté
“La force de la démarche TZCLD réside dans le consensus local et une intervention en complémentarité avec les offres d’accompagnement existantes.”
Le projet Territoires zéro chômeur de longue durée figure dans la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté établie en 2018. Définie pour la période 2018-2022, cette stratégie s’apprête à entrer dans une nouvelle phase. Pour TZCLD, Marine Jeantet, Déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, tire le bilan du plan et dresse les perspectives.
Quel est le bilan tiré de la priorité “Investir pour l’accompagnement de tous vers l’emploi”, dans laquelle est mentionné le projet TZCLD ?
Cette priorité est première dans la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. L’effort sur ce volet a été systémique :
- Attention portée aux publics les plus éloignés de l’emploi, parmi lesquels les bénéficiaires du RSA, qui en raison de leur statut (bénéficiaires des minima sociaux non nécessairement inscrits à Pôle emploi), n’étaient historiquement pas les premières cibles d’une politique de l’emploi fortement cloisonnée entre inscrits à Pôle emploi et non inscrits à Pôle emploi ;
- Partenariat avec les Départements pour accélérer la prise en charge des bénéficiaires du RSA et renforcer les solutions offertes par les Conseils départementaux dans le cadre de programmes tournés vers l’activité d’abord (garantie d’activité départementale) ;
- Montée en charge de l’insertion par l’activité économique avec 190 000 entrées en 2021 soit un quasi doublement sur la mandature, lié au pacte ambition IAE (Insertion par l’activité économique) ;
- Préférence pour l’innovation sociale et choix d’approches originales de remobilisation par le travail : Convergence et premières heures en chantier, à destination des grands exclus, Sève permettant d’outiller les structures d’insertion par l’activité économique sur la méthode d’intermédiation entre l’offre et la demande d’emploi, Tapaj à destination des jeunes en situation d’errance et Territoires zéro chômeurs de longue durée, que vous connaissez bien ;
- Structuration de coopérations territoriales entre tous les acteurs de l’insertion, au travers de la démarche du service public de l’insertion et de l’emploi. 79 projets se sont déployés sur la mandature, finement adaptées aux réalités locales, et concourant au décloisonnement des parcours et à une meilleure prise en charge des personnes.
Complémentaire du Plan d’investissement dans les compétences qui a bénéficié d’un engagement de 15 milliards d’euros et ciblé 2 millions de demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés et de jeunes éloignés du marché du travail, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a concouru, à son échelle, à la baisse du taux de chômage sur la mandature. Ce dernier est passé de 9,6 à 7,4 environ en 5 ans, soit moins 2 points, ce qui le met à son plus bas niveau depuis 15 ans.
Vous le voyez, notre approche fut résolument systémique.
En quoi le projet TZCLD s’inscrit-il dans cette stratégie interministérielle ?
Le projet s’inscrit pleinement dans la stratégie en ce qu’il combine innovation sociale, mobilisation territoriale et participation des personnes pour mettre un terme à la privation durable d’emploi. La mise en œuvre du droit à l’emploi, portée par ETCLD / TZLCD s’appuie sur la conviction, au cœur de la stratégie, que nul n’est inemployable. Grâce à ce dispositif, des personnes en situation de privation d’emploi durable retrouvent une activité, développent des compétences, des qualifications, ont accès à des formations, retrouvent confiance, accèdent à un logement, à des soins ou à leurs droits. Il s’agit d’une intervention exhaustive, couvrant l’ensemble des besoins de la personne avec une approche résolument transverse au niveau local.
L’impact sur le retour à l’emploi est plus large que les personnes qui intègrent l’entreprise à but d’emploi (EBE). Ainsi, le bilan de la première expérimentation faisait état, sur déclaration des comités locaux pour l’emploi (CLE), que près de 40 % des volontaires étaient sortis de la privation d’emploi avant même passage en EBE, avec des orientations en SIAE, en entreprises adaptées (EA), en entreprises classiques. Ainsi, TZCLD semble impulser une dynamique de retour à l’emploi avant même de proposer un emploi en EBE.
La force de la démarche réside dans le consensus local et une intervention en complémentarité avec les offres d’accompagnement existantes. Le rôle des comités locaux pour l’emploi est très fort, mobilisant des collectivités, des associations, des structures de l’insertion, des habitants, des institutions, des représentants du monde économique. Par ailleurs les activités proposées s’inscrivent dans une dimension territoriale marquée, permettant d’assurer le développement de partenariats avec des entreprises ou des associations. La coopération territoriale à l’œuvre développe le tissu local et ce cercle vertueux est un élément intéressant de la démarche.
La stratégie est définie jusqu’en 2022, quelles sont les perspectives pour la suite ?
Le 3 novembre dernier, devant les représentants des associations et fédérations engagées contre la pauvreté, en présence de 8 ministres, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé le lancement d’une concertation relative au pacte des Solidarités. Celui-ci doit amplifier l’action menée dans un cadre renouvelé. Les ambitions portées par Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, se déclinent en 4 axes :
- La poursuite de la lutte contre les inégalités à la racine, avec la création d’un service public de la petite enfance et un effort supplémentaire pour l’accompagnement des familles monoparentales ;
- L’amplification de la politique d’accès au travail pour tous, qui se déploiera dans le cadre du chantier France travail, piloté par Olivier Dussopt, Ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, pour changer d’échelle dans l’intensité de l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi ;
- La lutte contre la grande exclusion et le non recours aux droits, avec la mise en place de la solidarité à la source qui assurera la mise en œuvre opérationnelle des travaux techniques engagées dans le cadre de la stratégie pauvreté, et le déploiement des expérimentations « Territoires zéro non recours » ;
- L’organisation solidaire de la transition écologique pour faire des transitions – climatique, énergétique, écologique – des leviers de lutte contre la pauvreté. De ce point de vue, l’accès à des solutions de mobilité propre et à une alimentation durable et de qualité devrait être poursuivi, dans une logique d’amplification des acquis de la stratégie pauvreté.
La concertation vient de débuter. D’ici Noël, auront lieu plusieurs réunions. Celles-ci sont copilotées en interministériel. Elles associent des associations de lutte contre la pauvreté, des associations de collectivités locales, des organismes de Sécurité sociale, des opérateurs de l’Etat et des administrations. Ces échanges doivent pouvoir nourrir concrètement le pacte des solidarités qui sera annoncé début 2023 dans une logique de co-construction à laquelle je sais que le ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées est résolument attaché.