L’IAE et le projet TZCLD : « il peut naître de cette collaboration quelque chose d’efficace et constructif »

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L’insertion par l’activité économique et le projet Territoires zéro chômeur de longue durée présentent des logiques complémentaires pour la suppression de la privation d’emploi. Zoom sur le territoire habilité de Thiers et sur le projet émergent de Compiègne.

« Nous avons l’expérience de l’accompagnement des personnes en difficulté, la complémentarité entre l’IAE et TZCLD nous a tout de suite semblé évidente », explique François Frenois, membre de l’équipe projet TZCLD de Compiègne (Oise) portée par Partage Travail, association intermédiaire (AI) basée sur ce territoire. Si des différences existent entre l’IAE et le projet TZCLD, les deux logiques s’avèrent très complémentaires. Un plaidoyer commun a ainsi été produit par les réseaux de l’IAE partenaires[1] et l’association TZCLD.

« On a appris à travailler en bonne intelligence »

Sur le territoire habilité de Thiers (Puy-de-Dôme), les structures de l’insertion par l’activité économique (SIAE) sont impliquées depuis les prémisses du projet : « c’est fondamental si l’on veut éviter au maximum les sources d’incompréhension sur les publics, les activités, les partenariats… », souligne Boris Surjon, vice-président du Comité local pour l’emploi (CLE) de Thiers. « Il y a eu des peurs de la part des SIAE, mais aujourd’hui chacun a trouvé sa place, on a appris à travailler en bonne intelligence », remarque Joëlle Chelle, directrice d’Inserfac Chantier, SIAE thiernoise. « On se répartit le travail à faire, on articule les parcours des personnes et les SIAE n’ont pas vu leurs financements diminuer au contraire. » « Le dialogue est fondamental pour avancer », note Boris Surjon : toutes les SIAE du territoire de Thiers font partie du CLE et une commission « Parcours » se réunit tous les 2 ou 3 mois. À Compiègne, les appréhensions se muent généralement « en curiosité quand les SIAE voient que nous sommes l’une des leurs et qu’on leur présente l’expérimentation comme une opportunité pour elles », selon Vincent Cacheur, chef de projet. « Nous devons évoluer et il peut naître de cette collaboration quelque chose d’efficace et constructif », martèle Alain Chapelon, président d’Inserfac.

Apporter une réponse de plus aux personnes privées d’emploi

« Nous avions la volonté de développer davantage l’implication des salariés en insertion et nous avons vu TZCLD comme un projet moteur pour cela dans la mesure où son approche part des personnes pour les mobiliser, explique François Frenois. De plus, avec notre AI, nous touchons 200 à 300 personnes par an sur le territoire, or il y a 600 personnes privées d’emploi. L’expérimentation TZCLD nous permet d’élargir le champ des possibles. » Sur de nombreux territoires, la création d’emplois est insuffisante pour répondre aux besoins de la population, ce qui prive les personnes sortant de l’IAE d’un emploi dans le secteur « classique ». À Thiers, le CLE organise des animations hebdomadaires avec les personnes privées d’emploi, les entreprises à but d’emploi (EBE) et les SIAE. « Les SIAE nous aident à trouver des solutions alternatives ou intermédiaires pour les personnes en attente de recrutement par les EBE du territoire », explique Boris Surjon.

Multiplier les activités utiles au territoire

« Les EBE ne doivent pas enlever un centime aux SIAE », insiste Boris Surjon. « Les co-présidents du CLE sont le maire de Thiers et le président de la communauté de communes Thiers Dore et Montagne, ils sont donc vigilants à la fois à la garantie de financements des SIAE et au partage des activités. Lorsqu’un chantier est proposé par la Mairie en matière d’espaces verts par exemple, une réunion est organisée pour se répartir les tâches, la Mairie arbitre selon les compétences et les savoir-faire de chaque structure. » À Thiers, les 3 SIAE implantées sur le territoire sont même adhérentes à l’EBE Actypoles, qui a un statut de Société coopérative d’intérêt collectif.

À Thiers, Inserfac Chantier et Inserfac EBE

La deuxième EBE du territoire est d’ailleurs portée par Inserfac. Une association, Inserfac EBE, a été créée courant 2019 et habilitée EBE dans la foulée. Ouverte depuis le 24 octobre dernier, elle emploie 14 salariés à la mi-décembre. « Nous sommes une association structurée avec une capacité d’ingénierie, explique Joëlle Chelle. Avec Inserfac EBE nous avons dupliqué, à Thiers, des activités développées par Inserfac Chantier sur d’autres territoires. Les salariés de l’EBE sont ainsi formés par Inserfac Chantier. Nous avons également les compétences en matière d’organisation : aujourd’hui la direction, la paye et la comptabilité sont assurées par des salariés du chantier, mais le but est de déléguer petit à petit aux salariés de l’EBE après les avoir formés. » Mutualisation des moyens, achats groupés, réponse conjointe à des appels à projets… « On fonctionne selon une logique de groupe, note Joëlle Chelle. On va dans le même sens, même s’il est nécessaire, en tant qu’acteurs de l’IAE, de s’acclimater au projet TZCLD. » À Compiègne, « la porosité entre les actions et les personnes [entre la SIAE et l’équipe projet TZCLD] est le coeur nucléaire du projet », précise Xavier Bombard, bénévole de l’équipe projet et trésorier de Partage Travail 60, à commencer par l’équipe projet qui est salariée par l’AI. « Nous souhaitons ardemment une 2ᵉ loi, il faut élargir cette expérimentation et poursuivre cette R&D de façon mutualisée avec l’insertion », conclut Alain Chapelon, président d’Inserfac.

[1] Emmaüs France, la Fédération des acteurs de la solidarité, COORACE, le Réseau Cocagne.

3 questions à Thibaut Guilluy, président du Conseil de l’inclusion dans l’emploi

Quelle est la composition et la mission du Conseil de l’inclusion dans l’emploi créé fin 2018 ?

Le CIE est rattaché au ministère du Travail, il réunit les administrations concernées, les personnes qui agissent en matière d’inclusion, des chefs d’entreprise, des chercheurs… Il fonctionne dans une logique de co-construction, comme un « action tank » des politiques publiques. Le CIE a vocation à muscler les mesures et les dispositifs contribuant à faire en sorte que les personnes en difficulté sociale et professionnelle puissent accéder à l’emploi, afin de créer les conditions pour que chacun·e puisse développer ses compétences et participer à l’échange social et économique. Il vise aussi à développer les pratiques inclusives des entreprises. L’enjeu étant de faire en sorte que l’inclusion devienne consubstantielle à la mission de tout·e dirigeant·e dans notre pays. Comment les sensibiliser, les inciter, les soutenir, les former, les accompagner pour faire en sorte de mieux accueillir les vulnérabilités et la diversité au sein de leur entreprise. Agir tant auprès des individus que des pratiques collectives permettra de bâtir une société réellement et pleinement inclusive !

Quel regard portez-vous sur le projet TZCLD ?

La raison d’être du CIE est de contribuer à une société plus inclusive. L’expérimentation TZCLD poursuit pleinement cette intention. Nous en suivons donc les avancées avec le plus grand intérêt. J’apprécie l’approche particulièrement volontariste de TZCLD sur la question du chômage de longue durée, pour laquelle tout discours fataliste me semble peu acceptable. Nous croyons également fortement que seule la mobilisation de l’ensemble des acteurs dans une dynamique de confiance et d’intelligence collective permet de fertiliser des solutions concrètes et durables dans les territoires. Le projet TZCLD est ainsi un laboratoire intéressant car il permet de tester et évaluer des choix disruptifs qui pourront éclairer les réflexions sur les politiques d’emploi actuelles et futures. Il faut donc lui donner le temps d’expérimenter et d’approfondir les observations sur les bénéfices et les biais, comme a pu le rappeler récemment la Ministre du Travail.

De quels choix d’approche parlez-vous en particulier ?

Quatre aspects me semblent intéressants à suivre pour en analyser les impacts. D’abord le principe d’exhaustivité, qui change radicalement la perspective du demandeur d’emploi puisque l’insécurité ne repose plus sur les exclus du marché du travail. Il sera intéressant d’en mesurer l’effet sur le parcours des personnes. Ensuite, le développement d’activités nouvelles hors du champ de la concurrence locale, qui peut faire émerger de nouveaux services et d’innover (dans l’économie circulaire, la production locale ou l’amélioration du cadre de vie…). Des innovations pouvant alimenter la création de nouvelles filières d’emplois mais qui questionnent la capacité à stabiliser le modèle économique des EBE.  La démarche de coalition territoriale est un troisième élément intéressant : nous avons encore beaucoup à apprendre pour que les acteurs d’un même territoire travaillent ensemble. Enfin le Conseil est un fervent promoteur de l’activation des dépenses passives, pour orienter chaque fois que possible la dépense publique sur des programmes permettant à chacun de retrouver une activité et une utilité sociale. Cette logique d’investissement social est un principe vertueux qu’il nous appartient de mettre en pratique avec les administrations concernées.

Pour lire le Pacte d’ambition pour l’IAE remis par Thibaut Guilluy à la ministre du Travail en septembre 2019 c’est par ici.

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