Handicap, écologie et consensus local au menu de l’université d’été
La première université d’été de Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) s’est tenue le 1er septembre. L’occasion de rassembler de nombreux acteurs pour une journée de réflexion autour des grands axes du projet.
Pour la première université d’été de Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), rendez-vous était donné le 1er septembre à la mairie du XVIIIe arrondissement de Paris. En introduction, Louis Gallois, président du fonds d’expérimentation, a tiré un premier bilan des 18 mois écoulés. 600 demandeurs d’emploi ont déjà quitté le chômage de longue durée. Autant de personnes « qui ont retrouvé du travail, du pouvoir d’achat, de l’estime de soi et de la dignité », s’est-il félicité. En moyenne, les salariés des entreprises à but d’emploi (EBE) avaient connu 54 mois de chômage. Autre motif de satisfaction, « la masse des travaux utiles découverts dans tous les domaines », a poursuivi Louis Gallois, en saluant la « dynamique créée » : « 10 à 15% des volontaires ont trouvé un emploi hors de l’EBE, car l’expérimentation vivifie le tissu économique local ». Parmi les défis à relever, l’exhaustivité (aujourd’hui à hauteur de 62%, selon les chiffres de huit territoires), le maintien du dynamisme des comités locaux dans la durée et la structuration des EBE. « Certaines comptent désormais plus de 80 salariés, a relevé Louis Gallois. Cela fait naître des débats sur le management à mettre en place. Il faut que l’objectif contraignant, mais incontournable, de développer le chiffre d’affaires ne soit pas l’ennemi de l’exhaustivité ».
« Adapter le travail à la personne, c’est ça, la révolution »
La première table ronde était consacrée à l’insertion des personnes en situation de handicap. L’un des principes fondateurs de TZCLD selon lequel « personne n’est inemployable » crée un important potentiel d’embauches. C’est ce qui a convaincu Yann Jondot, maire de Langoëlan (Morbihan), de s’engager dans le territoire volontaire du centre ouest Bretagne. Dans une région marquée par l’industrie agroalimentaire et le travail à la chaîne, nombre de demandeurs d’emploi souffrent de troubles musculo-squelettiques qui compliquent leur recherche d’emploi. « En tant qu’élu, je n’avais aucune réponse à leur donner », a-t-il expliqué. À l’échelle nationale, « deux millions de personnes concernées par le handicap sont employables, parmi lesquelles 1,2 million sont en emploi dans des entreprises ordinaires, 200 000 en entreprises adaptées ou en Esat, 100 000 sont indépendantes et plus de 500 000 sont au chômage », a rappelé Serge Widawski, directeur national d’APF Entreprise.
Éloigné de l’emploi par un accident et une longue rééducation, Éric Touzet a retrouvé un poste à l’EBE de Mauléon (Deux-Sèvres). « Je fais le taxi pour les salariés et je donne des coups de main sur d’autres activités », a-t-il témoigné. L’efficacité de TZCLD pour ramener les personnes handicapées vers l’emploi tient à son changement de logique. « Le fil conducteur, c’est l’adaptation, a résumé Patrick Valentin, vice-président de TZCLD. Si personne n’est inemployable, c’est que l’on adapte le travail aux gens pour que tout le monde puisse y accéder. C’est ça, la révolution ». Sophie Labatut, directrice d’Amipi, y voit un projet « complémentaire aux savoir-faire de (sa) fondation » qui accompagne des entreprises adaptées. « Il n’y a pas insertion sans volonté très forte de l’opérateur et de ses parties prenantes », a-t-elle insisté. Yann Jondot a enfin souligné l’importance des horaires choisis pour rendre la vie en entreprise plus conciliable avec les contraintes de santé.
La transition énergétique, créatrice d’emplois
Le deuxième débat portait sur le rôle de TZCLD comme accélérateur des politiques de transition écologique. « Plus de 50% des activités des dix territoires sont liés à ce sujet, ce qui prouve que l’on peut créer des emplois en prenant soin du territoire sur lequel on vit », a introduit Laurent Grandguillaume, président de TZCLD. D’où l’intérêt pour le projet de l’Ademe, qui finance la mission transition écologique de l’association. « Nous accompagnons aussi bien des domaines comme le réemploi et le ré-usage que l’émergence de nouvelles activités viables » et créatrices d’emploi, a expliqué son président, Arnaud Leroy, citant « le boom à venir des métiers liés à l’agriculture et à la transition alimentaire : composteur, préparateur de sols et de mélanges pour les méthaniseurs… ».
Ancienne députée écologiste à l’origine de la loi sur la prise en compte de nouveaux indicateurs de richesse dans les politiques publiques, Eva Sas a rappelé que « les politiques bonnes pour la transition énergétique le sont aussi pour l’emploi – même si l’on entend encore opposer les deux – car beaucoup remplacent du capital par de la main-d’œuvre ». Autour de 600 000 emplois pourraient être créés d’ici 2030. Dans les territoires expérimentaux, des projets sont déjà en place, en partenariat avec de nombreux acteurs. « À Thiers ou dans la métropole européenne de Lille, nous avons pu mener des actions concrètes autour de diagnostics socio-techniques des habitations, mais aussi de la promotion du vélo comme solution à la mobilité de personnes précaires », a illustré Catherine Le Gac, présidente de la fondation Macif qui complète le financement de l’Ademe pour TZCLD.
Une articulation avec le développement local
En début d’après-midi, la dernière table ronde s’est penchée sur le lien entre le projet et le consensus territorial : comment coopérer avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), ainsi que ceux de l’insertion par l’activité économique (IAE) ? Une question clé. « L’un des handicaps du projet est que pour démarrer, il lui faut du consensus territorial, mais que ça ne se décide pas comme ça et ça ne se maintient pas sans faire d’effort, a prévenu Michel de Virville. Seul un nombre assez limité de territoires en sont capables ». Myriam El Khomri s’est souvenue des origines du projet. « Il était important pour nous, pouvoirs publics, que l’expérimentation ne se fasse pas aux dépens d’autres dispositifs », a relaté l’ancienne ministre du Travail de 2015 à 2017. Ancien député PS, spécialiste de l’IAE et cofondateur du Coorace, Jean-René Marsac a justement insisté sur leur complémentarité. Parmi les points de convergence entre TZCLD et l’insertion, il cite « l’idée d’une articulation avec le développement local et le fait que les territoires se mettent ensemble dans une dynamique de formation ». Vice-président de l’association intermédiaire Partage 60, François Frénois se mobilise ainsi pour développer un territoire expérimental à Compiègne. « Nous avons l’expérience de l’accompagnement, a-t-il avancé. Mais quand on a entendu parler du projet, on s’est dit : « Tiens, il y a un nouveau modèle » », a-t-il poursuivi. « C’est un beau sujet pour allier dans la durée les acteurs, notamment ceux de l’ESS », a aussi estimé Jérôme Saddier, président de l’Avise et vice-président de la fondation Crédit coopératif, partenaire du projet TZCLD.
En conclusion, les intervenants ont rappelé la nécessité d’adopter une nouvelle loi pour poursuivre l’expérimentation, tout en recensant les « points de vigilance » à retenir en vue d’un élargissement. « Il faut impérativement un véhicule législatif pour permettre une expérimentation qui ne limitera pas le nombre de territoires, a soutenu Myriam El Khomri. Mais il ne faut pas se précipiter pour autant dans le lancement des EBE et surtout prévoir un fonds d’amorçage pour les nouveaux territoires, sans quoi ça ne marchera pas ».
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